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Conférence Manion 2020 : Réflexions de Jeffrey Simpson sur 45 ans d'affaires publiques au Canada (FON1-V19)

Description

Cet enregistrement d'événement présente le discours principal de la Conférence Manion 2020, celui de Jeffrey Simpson, qui porte sur plus de 40 ans de politique publique canadienne et sur la manière dont les leçons tirées du passé peuvent nous aider à façonner l'avenir.

Durée : 01:08:39
Publié : 19 février 2021
Type : Vidéo

Événement : Conférence Manion 2020 - De Trudeau à Trudeau : réflexions de Jeffrey Simpson sur 45 ans d'affaires publiques au Canada


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Conférence Manion 2020 : Réflexions de Jeffrey Simpson sur 45 ans d'affaires publiques au Canada

Transcription

Transcription

Transcription : Conférence Manion 2020 : Réflexions de Jeffrey Simpson sur 45 ans d'affaires publiques au Canada

[Taki Sarantakis]
Bienvenue à tous.

C'est un grand honneur pour moi de présenter la Conférence Manion 2020 de l'École de la fonction publique du Canada. Je m'appelle Taki Sarantakis et je suis le président de l'École de la fonction publique du Canada. L'activité d'aujourd'hui a été nommée en l'honneur de Jack Manion. M. Manion était un haut fonctionnaire et était également récipiendaire de l'Ordre du Canada. C'est merveilleux que notre organisation puisse honorer sa mémoire et les réalisations des organisations qui nous ont précédés. Même si M. Manion est décédé il y a dix ans, nous sommes très heureux aujourd'hui d'accueillir des membres de sa famille dans l'auditoire virtuel, y compris sa femme, Sylvia, car nous sommes en 2020 après tout.

La conférence d'aujourd'hui est présentée par M. Jeffrey Simpson. M. Simpson est l'une des grandes richesses du Canada. Il a été chroniqueur pour le Globe and Mail pendant près d'un demi-siècle, et pendant cette période, il y a eu des changements majeurs au Canada. Lorsque M. Simpson a commencé sa carrière au Globe and Mail, le Canada n'avait pas de charte des droits et libertés. Le Canada connaissait une période de stagflation. Le Canada se demandait où il allait et ce qu'il allait devenir. Faites un bond en avant de presque 50 ans, et vous verrez que le Canada est très différent de cette époque. Toutefois, il est important que nous puissions nous pencher sur cette époque afin d'en tirer des leçons. Parce qu'il reste beaucoup de questions à régler au Canada, notamment notre bien-être économique, notre tissu social, le régionalisme, l'immigration, le rôle du corps législatif et celui des tribunaux pour l'avenir.

M. Simpson a remporté les 3 grands prix littéraires du Canada et, comme M. Manion, il est récipiendaire de l'Ordre du Canada.

Finalement, j'aimerais prendre cette occasion pour introduire une nouvelle initiative de l'École. M. Simpson et la conférence Manion présentent des idées, et je suis très heureux d'annoncer aujourd'hui que l'École de la fonction publique du Canada honorera à nouveau un de nos prédécesseurs par une série d'idées. Aujourd'hui, nous annonçons l'introduction de l'initiative Jocelyne Bourgon pour les chercheurs invités à l'École de la fonction publique du Canada. Cette initiative permettra à l'École de la fonction publique du Canada et au gouvernement du Canada de recommencer à mieux interagir avec la communauté universitaire canadienne, car nous devons tous participer à la réflexion si le Canada veut continuer à avoir la meilleure fonction publique au monde. Avec ça, on commence avec M. Simpson. Bonne conférence!

[Jeffrey Simpson]
Bonne journée et bonjour.

C'est un honneur de prononcer la conférence Manion. Les circonstances sont pour le moins uniques, mais le nom de la conférence reste le même. Je n'ai pas connu John Manion, mais j'ai beaucoup entendu parler de lui. Et la description universelle de John Manion était celle d'un « fonctionnaire par excellence ». C'est-à-dire qu'il était droit, honnête, équilibré et dévoué à la fonction publique. Il est donc tout à fait approprié que son nom soit associé à cette conférence.

Les fonctionnaires sont parfois mal vus, y compris en raison de certains d'entre nous dont les agissements ont été rapportés par les journalistes, mais la pandémie de coronavirus a souligné l'importance d'une fonction publique compétente et dévouée, des responsables de la santé aux analystes en passant par les administrateurs. Ils travaillent sous une pression constante, en faisant face à des crises croissantes et sans précédent dans le domaine de la santé publique et de l'économie. Bien sûr, des erreurs ont été commises. Mais comme me l'a fait remarquer un ancien ministre de premier plan, que je connais bien, « quand la brigade des seaux va éteindre un incendie, il y a de l'eau qui se répand quand on passe les seaux ».

Moi, je suis arrivé à Ottawa à l'automne de 1972 en tant que stagiaire parlementaire fraîchement diplômé d'une école supérieure à l'étranger. Deux semaines après l'arrivée de moi-même et des neuf autres stagiaires parlementaires, le premier ministre Pierre Trudeau, élu en 1968 à la tête d'un gouvernement majoritaire, a déclenché des élections. Et il n'a remporté les élections que par quelques voix en 1972, s'accrochant au pouvoir avec 109 sièges par rapport à 107 pour les progressistes-conservateurs. Notre groupe s'est donc retrouvé aux premières loges pour observer le fonctionnement d'un gouvernement minoritaire. Et moi, j'ai eu la chance pendant ces années de travailler pour trois excellents et distingués députés. J'ai beaucoup appris de chacun d'eux sur les exigences imposées aux parlementaires.

Étant arrivé tout jeune en tant que chroniqueur du Globe and Mail à la fin du premier mandat de Pierre Trudeau en 1972, et ayant pris ma retraite dix mois après le début du premier mandat de son fils, Justin Trudeau, une période d'environ 45 ans. J'ai pensé que je pourrais utiliser cette conférence pour réfléchir un peu sur certains des grands changements qui se sont produits au Canada pendant cette période, qu'on pourrait appeler « de Trudeau à Trudeau ». N'oubliez pas qu'en une conférence, on ne peut qu'effleurer la surface de certains de ces changements, et que de nombreux changements ne seront pas abordés.

Par exemple, l'inquiétude croissante concernant le réchauffement climatique, ainsi que l'ascension et l'influence des femmes en politique et dans de nombreuses autres sphères de la vie canadienne. La politique étrangère, la transformation des médias avec le déclin et même la disparition de nombreux journaux, et la fin de la guerre froide et son remplacement par un monde multipolaire, dans lequel le Canada se sent moralement supérieur, comme toujours, mais de plus en plus marginal par rapport aux autres. Et même les changements dont je vais parler mériteraient des commentaires beaucoup plus approfondis.

Pierre Trudeau est entré dans la vie publique avant tout à cause du débat dans les années 1960 sur la place du Québec au sein du Canada. Depuis son arrivée en politique en 1965 jusqu'à son départ en 1984, et pendant une vingtaine d'années par la suite, la situation du Québec au sein de la Confédération canadienne a préoccupé les gouvernements fédéraux. Le maintien de l'unité du pays, à l'époque comme aujourd'hui, constitue l'obligation la plus importante de tout gouvernement national. Aujourd'hui, la menace de démembrement semble lointaine, mais il n'en a pas toujours été ainsi. Nous savons que la Loi sur les langues officielles et la Charte canadienne des droits et libertés étaient au cœur de l'ambition de M. Trudeau de frustrer les sécessionnistes québécois. Mais son gouvernement nous a légué bien plus.

Pensez à ce que ses détracteurs à l'époque ont appelé le « French Power ». Trudeau a fait venir des Québécois francophones à Ottawa et les a placés en position de force. En cela, il a suivi, en fait, le bon conseil de Sir John A. Macdonald selon lequel les gouvernements devraient être « francisés ». Depuis lors, chaque gouvernement a été dirigé par une personne parfaitement ou partiellement ou fonctionnellement bilingue, et le parti national gagnant a toujours eu au moins un certain succès au Québec.

Pensez à la gestion de l'offre pour les producteurs laitiers, dont le plus grand nombre se trouve au Québec. Ce cartel reste en place aujourd'hui au grand plaisir de ses membres et des producteurs, et au détriment des consommateurs. Il a été créé par le gouvernement Trudeau pour apaiser les producteurs laitiers du Québec qui, en protestation contre la volatilité des prix, avaient peint des slogans évocateurs sur les toits de leurs étables. Et ils avaient manifesté sur les pelouses du Parlement, notamment en déversant du lait sur la tête du ministre de l'Agriculture, Eugene Whelan. Ils avaient fait des déclarations de soutien aux politiciens sécessionnistes du Québec qui... leur avaient promis un meilleur accord. Ou encore, pensez à ce que nous pourrions appeler aujourd'hui le développement régional. Le premier grand programme doté de son propre ministère du Développement régional et économique et présidé par un ministre très proche de Pierre Trudeau, Jean Marchand, devait apporter une aide financière fédérale à des projets au Canada atlantique et dans l'Est du Québec.

Mais au bout d'un certain temps, la menace de sécession s'intensifiant au Québec, les ministres québécois ont commencé à faire campagne pour que l'ensemble de la province de Québec soit incluse dans les catégories pour le développement régional, y compris Montréal et ses environs.

Et c'est ce qui s'est passé. Mais au fil du temps, cette désignation a créé une pression politique pour dépenser, ou plutôt pour répandre diverses formes d'agences de développement régional dans l'ensemble du pays, à l'exception de la région de Toronto et de la vallée du bas Fraser connue sous le nom de Lower Mainland, en Colombie-Britannique, ce qui correspond aux agences que nous avons aujourd'hui.

Le favoritisme réel ou perçu envers le Québec pendant les années de Trudeau et M. Mulroney a irrité les autres provinces et leur population, en particulier dans l'Ouest canadien. Sondage après sondage, à la question de savoir laquelle des provinces bénéficiait le plus du gouvernement fédéral, disait que la population du reste du Canada répondait « le Québec », alors qu'au Québec, la réponse était et demeure toujours « l'Ontario ». Le « sentiment pernicieux de jalousie entre les régions », expression qu'un ami a un jour utilisée, est très présent au Canada et constitue un défi permanent pour tout gouvernement national.

Le ressentiment et l'envie ont imprégné les nombreuses négociations constitutionnelles des années 1970 et 1980, alors que les efforts de négociation visant à faire pencher la balance en faveur du Québec se heurtaient à des demandes de changements diverses de la part des autres provinces, puis des communautés autochtones. Les détails de ces négociations présentent peu d'intérêt aujourd'hui. Je les ai toutes couvertes en tant que membre fondateur de ce que j'appellerais le Club de la Constitution, dont j'ai démissionné il y a longtemps. Les efforts de réforme constitutionnelle, qui ont consommé tant de temps et de capital politique, se sont soldés par un échec, à une exception près. Voici la leçon à retenir, selon moi, pour aujourd'hui et pour demain : ne touchez pas à la Constitution si vous ne voulez pas mettre le pays en danger. Changez le pays, mais pas nécessairement la Constitution, parce que, comme je le montrerai dans cette conférence, le pays a changé. Il change, et il changera. Tantôt en raison de demandes sociales insistantes, tantôt en raison de négociations intergouvernementales, tantôt par un changement progressif de la compréhension du public.

Les deux initiatives les plus importantes de l'époque de Pierre Trudeau comme premier ministre devant l'agitation du Québec ont été la Loi sur les langues officielles et la Charte canadienne des droits et libertés. Il est difficile aujourd'hui pour les jeunes Canadiens de se rappeler à quel point la Loi sur les langues officielles était controversée au moment de son adoption, et pendant de nombreuses années après. La grande majorité des Canadiens anglophones ne parlaient pas français. Ils étaient irrités et craintifs à l'idée de subir des pressions pour apprendre la langue ou encore de perdre une occasion de travailler au gouvernement fédéral. Les huées ont résonné au Maple Leaf Gardens à Toronto dès que les quelques couplets de l'hymne national ont été entonnés en français. Les emballages bilingues – le français sur les boîtes de céréales – ont donné lieu à de furieuses dénonciations. Les raisons pour lesquelles Pierre Trudeau a failli perdre le pouvoir en 1972 sont nombreuses, les plus importantes ayant été le bilinguisme et le « French Power ».

Aujourd'hui, et je pense que cela montre comment le pays peut évoluer, apprendre et mûrir, certes, il reste des poches de grogne envers le fait français et le bilinguisme en dehors du Québec, mais elles sont un très faible écho de ce que l'on a entendu dans les années 1970. Il est désormais reconnu que les dirigeants des partis nationaux doivent être à leur manière, bilingues, au moins fonctionnellement, de même que les titulaires de nombreux postes de haut niveau du gouvernement fédéral. Des milliers d'étudiants anglophones partout au pays sont inscrits à des programmes d'immersion en français. À tel point qu'à certains endroits, il n'y a pas assez d'enseignants. Ce qui a commencé dans la division s'est transformé, au fil du temps, en l'un des traits identitaires, sinon toujours unificateurs, du pays. La politique sur les langues officielles n'est pas populaire partout. La proportion de Canadiens qui parlent couramment les deux langues est passée de 13 % lorsque Trudeau père a introduit la Loi sur les langues officielles à environ 17 % en 1990. Elle se situe aujourd'hui à environ 18 %. Et une grande partie de cette croissance s'est produite au Québec, où plus d'anglophones apprennent le français, et plus de francophones apprennent l'anglais. Ce n'était pas le but, mais en un sens, le bilinguisme a rendu la fonction publique fédérale moins représentative du pays, linguistiquement parlant, puisque les exigences linguistiques toujours plus élevées et le déclin de la formation linguistique interne ont effectivement disqualifié ou découragé les locuteurs unilingues, qui sont principalement par définition, les anglophones.

L'autre grande réforme de Pierre Trudeau est née de circonstances fortuites, non reconnues à l'époque et encore sous-estimées aujourd'hui. Et ce moment fatidique représente l'un des grands « et si » des cinquante dernières années au Canada. Le premier ministre Joe Clark n'avait remporté que 36 % des voix lors des élections de 1979, contre 40 % pour les libéraux de Trudeau.

Mais les votes progressistes-conservateurs étaient répartis de telle sorte que le parti a remporté plus de sièges que les libéraux et a ainsi formé un gouvernement minoritaire. Le gouvernement Clark a présenté son premier budget sans consulter les petits partis au Parlement. Le gouvernement aurait pu modifier le budget pour obtenir le soutien d'au moins l'un de ces partis. Pour survivre à une motion de confiance. Il aurait pu retarder le budget, et à ce moment-là, Trudeau, qui avait annoncé son intention d'abandonner la direction du Parti libéral et de quitter la vie publique, serait parti. Mais les progressistes-conservateurs inexpérimentés estimaient qu'avec le départ de Trudeau, les libéraux n'oseraient pas faire tomber le gouvernement. Ils n'auraient pas de chef. Ou que si Trudeau restait à la tête du parti, le pays, après l'avoir rejeté, ne l'aurait pas accepté. Les progressistes-conservateurs se sont trompés sur ces deux points. Le budget a été rejeté, Trudeau est resté et les libéraux ont remporté l'élection avec une majorité.

Je m'attarde sur ce sujet non pas parce que j'ai écrit mon premier livre d'analyse à chaud sur ces événements – mes critiques ont dit que le livre avait plus de pages que le gouvernement avait de jours – mais parce qu'aucun de ceux d'entre nous qui ont fait la chronique de ces événements n'a compris leurs conséquences à l'époque. Si Clark était resté en fonction, comme cela était possible, Trudeau aurait disparu de la vie publique. Qui l'aurait remplacé? Ni son remplaçant ni Clark n'auraient instauré une Charte des droits et libertés ou inventé une politique énergétique nationale qui a tant enragé les provinces productrices d'énergie. C'est le premier ministre Joe Clark et non le premier ministre Pierre Trudeau qui aurait dirigé la stratégie du gouvernement fédéral lors de la campagne référendaire de 1980 au Québec sur la souveraineté-association.

Donc pas de Charte, pas de politique énergétique nationale, pas de Trudeau à la barre pendant la campagne sur le référendum. Les aléas de l'histoire, en effet.

Les biographes Christina McCall Newman et Stephen Clarkson ont décrit avec justesse la Charte comme l'obsession magnifique de Trudeau. On peut débattre à savoir si la Charte était ou est magnifique, mais on ne peut nier le fait que c'était l'obsession de Trudeau. C'était une idée constitutionnelle, une Charte, qui allait au-delà de la Déclaration des droits de John Diefenbaker, qui était une loi plutôt qu'un document constitutionnel.

L'idée d'une Charte avait été promue par certains juristes et certains professeurs de droit constitutionnel, et une poignée de libéraux pensaient que l'idée était valable. Mais la plupart des libéraux n'ont pas été conquis. Et il est certain que les progressistes-conservateurs et les néo-démocrates n'étaient pas intéressés.

Trudeau, qui est revenu au pouvoir en 1980 pour ce qu'il devait savoir être sa dernière tentative, était donc déterminé à appliquer la Charte. La forme finale de la Charte a fait couler beaucoup d'encre, et je ne vais pas passer en revue les débats acharnés avec certains premiers ministres provinciaux, les pressions exercées par les groupes d'intérêts et les dirigeants autochtones.

Je ne fais que trois grandes généralisations. La Charte a été le changement le plus important apporté à la gouvernance du Canada depuis la Seconde Guerre mondiale et, sans doute, depuis les premiers arrangements constitutionnels des années 1860. À l'époque, la plupart des observateurs pensaient qu'il faudrait de nombreuses années avant que l'incidence de la Charte se fasse sentir. Le Canada n'ayant aucune expérience de la Charte constitutionnelle, on pensait que les juges se montreraient prudents pour ne pas en faire trop, trop vite. Ces hypothèses largement échangées à l'époque se sont révélées fausses. En peu de temps, les juges, en particulier ceux de la Cour suprême du Canada, ont commencé à faire usage de leur pouvoir, arguant que les parlementaires leur avaient enjoint de le faire en adoptant la Charte. La Cour a rapidement adopté la doctrine dite de l'« arbre vivant », selon laquelle les mots de la Charte, les mots mêmes de la Charte, pouvaient avoir une portée plus large que celle prévue par ses concepteurs.

Et ce ne sont pas les concepteurs d'il y a 50 ans. Ce sont les concepteurs de quelques années auparavant. Et au fil des ans, les tribunaux, et en particulier la Cour suprême, se sont investis dans de nombreux dossiers. Les soins de santé, les réfugiés et l'immigration, l'éducation, les droits des Autochtones, les programmes sociaux, le droit de vote des prisonniers, la condamnation au pénal. Et je pourrais continuer. Dans les facultés de droit du pays, avant la Charte, le droit constitutionnel était l'un de ces ennuyeux cours obligatoires sur la répartition des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement, mais il est rapidement devenu un sujet brûlant. C'était l'occasion d'injecter dans la loi, par la Charte, des causes sociales, linguistiques, de genre, autochtones et des causes sociales et politiques au sens large.

C'est animées par cet enthousiasme que plusieurs générations d'étudiants en droit qui sont devenus avocats et juges ont utilisé la Charte comme document de référence du « discours sur les droits », qui est devenu l'un des volets les plus importants du discours politique dans ce que j'appelle l'ère de la Charte. La Charte a fait passer le Canada, comme l'a expliqué le politologue Peter Russell, d'une démocratie parlementaire à une démocratie constitutionnelle. Le Parlement n'est plus suprême dans tous les domaines. En fait, il n'est pas rare que ses décisions soient annulées par les tribunaux ou qu'on lui ordonne de faire certaines choses dans un certain délai, même si le Parlement a refusé de le faire. Les juristes appellent cela un « dialogue » entre les tribunaux et les assemblées législatives, et c'est parfois le cas, mais il y a aussi des cas où les tribunaux donnent vraiment un dictat tel que les assemblées législatives doivent agir, quelles que soient les conséquences financières et administratives.

La Charte a également donné aux élus une porte de sortie politique, leur permettant d'éviter certaines décisions controversées, croyant ou espérant pouvoir s'en remettre aux tribunaux. L'avortement, les droits des homosexuels, l'aide à mourir sont des sujets sur lesquels les tribunaux ont provoqué des changements juridiques, ce que les assemblées législatives nerveuses semblent avoir accepté ou ajusté.

La Charte a été adoptée, en partie, pour protéger et renforcer les droits des minorités, et elle y est parvenue. La Charte correspondait et contribuait à la « politique identitaire » des groupes fondés sur le sexe, la race, l'ethnicité et l'orientation sexuelle, qui est maintenant au cœur, au cœur, du discours canadien.

La Charte est devenue immédiatement et immensément populaire parmi les juristes, parce qu'elle encadre un grand nombre de questions de garanties juridiques. Mais le public canadien a lui aussi commencé à aimer la Charte, de sorte que les juges sont désormais plus respectés que les élus, et les tribunaux plus respectés que les assemblées législatives. Une enquête parmi tant d'autres illustre ce point. L'Enquête sociale générale du Canada de 2013, réalisée pour le compte du ministère du Patrimoine canadien, a montré que plus de 90 % des Canadiens considéraient que la Charte avait la même importance que le drapeau pour l'identité du pays. Les Canadiens ne voient pas la Charte de cette façon, mais le « discours sur les droits » qu'elle a engendré et reflété – et le contrôle de la souveraineté parlementaire – figurent parmi les influences les plus américanisantes au Canada, à une grande exception près.

La nomination des juges américains est devenue terriblement polarisante et politique. À l'image du pays. Mais il ne se passe guère de mois au Canada sans qu'un groupe ne brandisse la Charte, ou du moins n'utilise les arguments de la Charte dans le contexte de ses arguments. Et en ce qui concerne l'administration fédérale, la Charte occupe désormais une place si centrale que le ministère de la Justice est devenu une sorte d'organisme central chargé de conseiller à l'avance les gouvernements sur la question de savoir si ce qu'ils envisagent de faire sera conforme à la Charte.

L'agitation du Québec qui a conduit à l'élection du Parti Québécois et à la première campagne référendaire a fait des années 1970 une période particulièrement turbulente. Mais cette décennie a été également marquée par deux autres événements qui ont défini la suite des choses, et dont la trace est encore présente aujourd'hui. Le premier événement est la crise de l'OPEP [Organisation des pays exportateurs de pétrole], et le second, la montée de l'Alberta et, les deux allaient de pair.

Ces deux facteurs ont entraîné une détérioration de la situation budgétaire qui a défini le discours politique pendant une génération. En voici un seul exemple : l'assurance-maladie a été conçue au milieu des années 1960, à une époque où la croissance économique était forte et où les recettes publiques étaient solides. La crise de l'OPEP et les déficits qui ont suivi ont toutefois détruit ces hypothèses, entraînant des réductions des transferts fédéraux aux provinces pour les soins de santé, des tensions sur les budgets de santé des provinces, des surfacturations par les médecins et des plaintes sans fin – encore très présentes aujourd'hui – selon lesquelles il n'y a pas assez d'argent, d'argent public, qui est dépensé pour les soins de santé.

Le prix du pétrole a monté en flèche, et les recettes de l'Alberta ont suivi. Et puisque, selon la constitution canadienne, les ressources naturelles appartiennent aux provinces, la part du lion des recettes provenant de ces ressources leur appartient également. Du point de vue du gouvernement fédéral, l'augmentation des recettes énergétiques de l'Alberta et la hausse des prix de l'énergie pour les consommateurs et les provinces consommatrices de pétrole ont produit un déséquilibre inacceptable. Du point de vue de l'Alberta, la province était propriétaire des redevances provenant du pétrole, et puisque pendant des décennies, l'Alberta et l'Ouest en général avaient été lésés par les gouvernements à Ottawa, entre autres, par le « pouvoir français » qui y était en évidence, la province n'était pas d'humeur politique à permettre à Ottawa de la priver de sa richesse.

Les échos de ces débats houleux entre Ottawa et l'Alberta se font encore entendre. Pour différentes raisons aujourd'hui, parce que, bien sûr, le prix international du pétrole s'est effondré, alors qu'à l'époque, il était en hausse.

L'Alberta avait alors de l'argent plein les coffres. Aujourd'hui, son déficit provincial dépasse 24 milliards de dollars. Mais à l'époque, comme aujourd'hui, une croyance profonde existait en Alberta, et dans une large mesure aussi en Saskatchewan, selon laquelle l'Ouest est soit ignoré par Ottawa, soit victime de politiques qui répondent aux pressions politiques du centre du Canada, que ce soit pour avoir de faibles prix du pétrole et du gaz naturel ou des politiques d'énergie verte discriminatoires envers le pétrole et le gaz naturel. Même après que le gouvernement Mulroney a aboli ou vidé de sa substance la majeure partie de la politique énergétique nationale de Trudeau, le souvenir de cette politique est devenu partie intégrante de la légende populaire de la province en matière de discrimination et de négligence.

... Et maintenant, ce souvenir est ravivé par le gouvernement de Justin Trudeau, dont la politique n'est défendue par aucun siège en Alberta et dont le discours du Trône a réussi à ne pas mentionner une seule fois l'Alberta, une province en grande difficulté. Les décideurs politiques d'aujourd'hui sont confrontés au double défi sans précédent de la COVID-19 – qui est une crise de santé publique – et d'un ralentissement économique. Mais les gouvernements des années 1970 se sont heurtés à un inconnu dans les manuels d'économie de l'époque : la stagflation.

La stagflation a découlé du boycott pétrolier des pays occidentaux par les pays arabes après la guerre israélo-arabe de 1973. Le prix du pétrole est monté en flèche alors que les réserves diminuaient. Au Canada, cela s'est traduit par une inflation à deux chiffres, un taux de chômage élevé, des taux d'intérêt élevés, des déficits publics en hausse et une croissance lente. Et pour couronner le tout, une récession a eu lieu au début des années 1980 et a fait grimper les déficits publics encore plus haut. Ces déficits, bien que faibles par rapport aux normes de déficits gargantuesques d'aujourd'hui, ont persisté pendant deux décennies. Du milieu des années 1970 au milieu des années 1990, il a fallu deux décennies pour équilibrer le budget fédéral après l'arrivée de la stagflation. Deux décennies. Combien de temps faudra-t-il pour équilibrer le budget à partir d'aujourd'hui? La réponse ne se mesure pas en années, mais en décennies.

Au cours des 45 années de Trudeau à Trudeau, le budget fédéral a été dix fois excédentaire, une fois équilibré et 34 fois déficitaire. Les pertes subies pendant les années déficitaires ont souvent dépassé les surplus des années excédentaires. La lutte contre le déficit a produit des excédents de 1997 à 2007. Il n'y a eu aucun excédent depuis cette date. De là, on peut tirer au moins trois conclusions ou au moins trois leçons de l'histoire.

Premièrement, les gouvernements n'ont pas l'habitude de constituer des excédents en période de prospérité pour les utiliser en période de crise. Deuxièmement, la pression exercée sur les gouvernements pour qu'ils dépensent est implacable, pour des raisons politiques liées à l'obtention de votes, et en provenance de tous les secteurs de la société canadienne, qui se soucient parfois peu de la provenance de l'argent. Et troisièmement, les gouvernements sont assez créatifs dans la conception et la présentation de nouveaux programmes de dépenses ou de dépenses fiscales, mais sont rarement capables de mettre fin à des programmes. En effet, dès que des groupes, des régions ou des individus bénéficient de ces programmes, ces derniers deviennent assimilables aux droits de citoyenneté.

Toutes les institutions et tous les programmes visant à atténuer ces tendances de manière continue au sein des gouvernements ont largement échoué. Ce qui a fonctionné, c'est seulement une décision courte et brutale d'un gouvernement de couper, généralement en raison d'examens défavorables de la situation budgétaire du Canada par le Fonds monétaire international ou les médias financiers internationaux, comme dans le cas de l'examen des programmes du premier ministre Jean Chrétien, qui a réduit les dépenses opérationnelles de tous les ministères, sauf celui de la Justice, puis celui des Affaires indiennes. Pendant ces décennies de stagflation et par la suite, mais surtout dans les premières années, les gouvernements ont cherché des remèdes dans les manuels et n'en ont trouvé aucun.

D'abord le gouvernement de Pierre Trudeau, puis celui de Joe Clark et enfin celui de Brian Mulroney se sont frayé un chemin en zigzaguant à travers des politiques cherchant la croissance économique, une faible inflation, un faible taux de chômage et des taux d'intérêt modestes. Le gouvernement Trudeau a essayé de stimuler l'économie, surtout en tenant compte de la menace sécessionniste au Québec. Mais il y a eu une soudaine réduction budgétaire en 1978.

Le gouvernement Trudeau a mis en place un contrôle des salaires et des prix au mépris des attaques contre cette idée lorsque les progressistes-conservateurs l'ont proposée lors des élections de 1974. « Zap vous êtes gelés! », a averti Pierre Trudeau pendant cette campagne électorale. Zap! Il a mis en place après les élections. Les libéraux ont même commencé à flirter avec le libre-échange sectoriel avec les États-Unis. Le gouvernement Mulroney a vendu des sociétés d'État créées par les libéraux, il a réduit les dépenses publiques. Il a remplacé une taxe contre-productive sur les ventes des fabricants par la taxe sur les produits et services, qui a immédiatement fait l'objet d'une opposition. Cette taxe était largement détestée par les consommateurs et les propriétaires d'entreprises qui devaient la calculer, ainsi que par les prestataires de services qui n'étaient pas soumis à une taxe auparavant. Tout le monde semblait s'y opposer, sauf certains économistes. Et pourtant, cette taxe subsiste et contribue aux recettes fédérales.

Les gens détestaient la TPS, mais ils ont fini par s'y habituer. Ce qui m'amène à observer que certaines des décisions gouvernementales les plus controversées des quelque 45 dernières années, celles qui ont coûté un appui politique à court terme, sont celles que nous considérons aujourd'hui comme allant de soi. Ces politiques, dont la TPS, ont résisté à l'épreuve du temps. Ce qui conduit à la conclusion évidente que le courage politique est la marque du leadership.

Pendant la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain inspirée par Trump, à ma connaissance, quasiment aucune voix canadienne de quelque importance que ce soit n'a plaidé pour mettre fin à l'ALENA.

Le Canada est devenu une nation de libre-échangistes, même avec les États-Unis, ce qui a fait mentir l'opinion traditionnelle selon laquelle le libre-échange avec les États-Unis ne se contenterait pas de submerger l'économie canadienne, mais affaiblirait, voire éviscérerait, les programmes et les symboles qui définissent l'identité distincte du pays. Avant que le premier ministre Brian Mulroney ne fasse, je cite, un acte de foi, une expression de la Commission d'enquête parlementaire MacDonald qui recommandait le libre-échange entre le Canada et les États-Unis, l'antipathie à l'égard du libre-échange était très répandue. Les conservateurs, à l'image du livre de George Grant, Est-ce la fin du Canada? : lamentation sur l'échec du nationalisme canadien, qui ne traitait cependant pas du libre-échange, offraient une vieille complainte sur l'américanisation du Canada. Du côté de la gauche intellectuelle, il y avait des livres tels que La capitulation tranquille de Kari Levitt, une économiste de McGill.

La gauche politique était fermement et vigoureusement opposée au libre-échange. Parmi les libéraux, il y avait de nombreux disciples de Walter Gordon, icône du monde des affaires et ministre de Lester Pearson, qui avait mis en garde contre la propriété américaine de l'économie canadienne. Et ceux qui partageaient les craintes de Gordon, ont produit le rapport Watkins de 1968, qui a conduit le gouvernement Trudeau à créer, dans les années 1970, l'Agence d'examen de l'investissement étranger et la Société canadienne de développement. Et le Toronto Star, qui était la Bible du libéralisme canadien, dénonçait l'idée même de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Mais certains libéraux craignaient moins le libre-échange, et comme le gouvernement Trudeau s'efforçait de trouver une réponse à la stagflation, ils ont commencé à promouvoir l'idée d'un libre-échange peut-être sectoriel, avec les Américains, d'accords dans telle ou telle industrie. Puis vint l'approbation du libre-échange par la Commission royale d'enquête sur les perspectives économiques du Canada, dirigée par Donald S. MacDonald, qui avait été un ministre libéral très en vue dans le cabinet Trudeau.

L'opposition a été féroce et pendant les négociations de libre-échange du gouvernement Mulroney, puis pendant les élections de 1988. Une juge du tribunal de la famille de l'Alberta, Mme Marjorie Bowker, a rédigé un pamphlet à succès, dans lequel elle prévenait que le libre-échange forcerait le Canada de vendre de l'eau douce aux États-Unis, mettrait fin au régime d'assurance-maladie au Canada, affaiblirait les pensions et les autres programmes sociaux au Canada et aurait des conséquences désastreuses pour le Canada. Après avoir décidé de s'opposer au libre-échange, les libéraux ont fait paraître à la télévision une publicité qui montrait une gomme à effacer la frontière canado-américaine, renforçant ainsi le message du chef du parti, John Turner, selon lequel le libre-échange marquerait la fin d'un Canada souverain.

Les conservateurs de Mulroney remportèrent les élections haut la main. Le libre-échange devint une réalité. Aucune des prédictions catastrophiques des critiques virulents ne s'est concrétisée. Les systèmes canadiens de soins de santé restent en place. En effet, de nombreux Américains de la gauche politique veulent un système d'assurance-maladie de type canadien, à payeur unique et financé par le gouvernement. Les régimes de pension du Canada et du Québec sont entièrement intacts et entièrement financés. Les programmes sociaux ont été élargis. Aucune eau n'a été exportée.

Autrement dit, les Canadiens ont évolué, passant d'une attitude rigide par rapport au libre‑échange entre le Canada et les États-Unis à celle d'ardents protecteurs du libre‑échange continental. Le libre-échange fournit un autre exemple de la manière dont un pays peut évoluer au fil du temps et accepter comme normal, voire indispensable, ce qui était considéré comme impossible il n'y a pas si longtemps. Si le libre-échange n'a pas produit la calamité que les critiques avaient prédite, il n'a pas non plus atteint un important objectif déclaré : améliorer la productivité de l'économie canadienne. L'ALENA a effectivement créé des emplois, mais n'a pas stimulé, comme l'avaient indiqué ses partisans, l'amélioration de la productivité.

Ce mot reste une épine pour l'économie canadienne. Le mot « productivité » fait peur aux Canadiens. Le premier ministre Jean Chrétien a interdit l'utilisation du mot par les ministres et dans les documents gouvernementaux, estimant que ce mot connotait le fait de travailler plus pour moins et qu'il effrayait les gens. Son gouvernement a utilisé des mots tels que éducation, recherche et développement comme euphémismes pour désigner la productivité.

L'une des raisons – qui n'est pas propre au Canada – du manque de productivité a été le passage au fil du temps des emplois du secteur privé, moins nombreux à être syndiqués, à des emplois du secteur public qui le sont, et le passage plus large du secteur manufacturier aux services, où les gains de productivité sont plus difficiles à réaliser. Les missions commerciales d'Équipe Canada, les investissements gouvernementaux répartis dans tout le pays et les industries, les agences de développement régional mentionnées précédemment, les subventions et les crédits d'impôt pour la recherche et développement, les chaires de recherche dans les universités canadiennes et une myriade d'autres institutions et programmes n'ont malheureusement pas permis, collectivement, d'augmenter de manière substantielle les exportations du Canada en dehors du secteur des ressources naturelles.

Et même la valorisation et l'exportation de certaines de ces ressources naturelles, comme le pétrole, le gaz naturel, l'hydroélectricité et les minéraux, sont maintenant bloquées par les objections des groupes d'intérêt, les revendications des Autochtones, les militants écologistes et les complexités réglementaires.

De plus, l'économie mondiale est bien différente de celle de l'époque où Pierre Trudeau gouvernait. Il a été le premier dirigeant occidental à ordonner à son pays de reconnaître diplomatiquement ce qu'on appelait parfois la Chine rouge. Pendant un certain temps, cela a fait la gloire du Canada dans ce pays. La Chine était vaste sur le plan géographique et démographique, mais était dans les ligues mineures sur le plan économique lorsque le Canada a ouvert des relations diplomatiques. Aujourd'hui, c'est une puissance économique, qui devient une puissance militaire, dirigée par un gouvernement déterminé à égaler et à surpasser les États-Unis dans tous les domaines d'activité. La montée de la Chine – avec laquelle le Canada entretient maintenant des relations difficiles, c'est le moins qu'on puisse dire – et, dans une moindre mesure, de l'Inde, à laquelle pourrait s'ajouter le démantèlement et, par conséquent, l'affaiblissement de la Grande-Bretagne, l'ancienne alliée du Canada, par rapport à l'Union européenne, signifie que l'influence du Canada dans le monde est de plus en plus marginale.

En 1970, la population du Canada était d'environ 21 millions de personnes, et elle est aujourd'hui de 37,7 millions. Cela représente une augmentation de 43 % sur environ cinq décennies. Pendant la même période, cependant, la population mondiale a atteint 7,7 milliards, soit plus du double du chiffre de 1970. La part de la population canadienne dans la population mondiale a donc diminué. Néanmoins, le Canada a connu la croissance démographique la plus rapide du G7 malgré un taux de natalité à la baisse. En raison de l'immigration.

Lorsque Pierre Trudeau est devenu premier ministre, le Canada accueillait 122 000 immigrants par an. Dans les années 1970, les niveaux d'immigration variaient entre 84 000 et 171 000 par année.

Pendant les années Mulroney, l'immigration annuelle a varié entre 152 000 et 246 000. En 2010, le Canada admettait 280 000 immigrants par an, et nous sommes maintenant dans une période de trois ans où les objectifs d'immigration se situent autour de 330 000.

Il ne fait aucun doute que de nombreux immigrants ont du mal à s'installer. Il est légitime de craindre que les immigrants aient mis plus de temps à trouver du travail ces dernières années. Et à atteindre des revenus moyens. D'autres tombent dans la pauvreté et y restent. Mais malgré ces défis et à un moment où certains Canadiens entendent dire que leur pays est un lieu de racisme et d'oppression systémiques, une enquête menée par le ministère de l'Immigration en 2018-2019 a révélé que 90 %, 90% des réfugiés et des immigrants au Canada avaient un « fort sentiment d'appartenance » au Canada; que 71 % d'entre eux avaient un emploi et que 85 % des résidents permanents étaient devenus des citoyens.

Le plus grand nombre d'arrivants s'installent en Ontario, le Québec étant loin derrière, ce qui signifie bien sûr que la part du Québec dans la population nationale continuera à diminuer. Ce qui a changé de façon surprenante au cours des dernières années, c'est le désir des petites provinces d'attirer des immigrants. Les provinces de l'Atlantique, où les citoyens étaient souvent mitigés quant à l'arrivée des gens « d'ailleurs », comprennent maintenant qu'ils ont besoin d'eux parce que les résidents de longue date se déplacent vers d'autres régions du Canada et il y a un vieillissement de la population dans la région. Et, le Manitoba dispose de son propre processus d'immigration qui s'est avéré assez efficace.

Je le répète : de nombreux immigrants, comme toute génération, ont du mal à s'intégrer au Canada, et certains immigrants noirs et musulmans estiment être victimes de discrimination. Il y a eu des incidents nativistes anti-immigrants. Le plus pathétique, peut‑être, est une petite ville francophone du Québec, où ne vit aucun musulman, mais dont le conseil a adopté une résolution contre la charia.

Quant aux Canadiens noirs, très présents dans l'actualité suite au mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, ils représentaient 3,5 % de la population, selon Statistique Canada, en 2016. Au cours des deux décennies précédentes, la population des Canadiens noirs avait doublé. Au Canada, 56 % des Noirs ne sont pas nés au pays, ce qui contraste de façon évidente avec l'expérience multigénérationnelle des Noirs aux États-Unis. Leurs pays d'origine ont changé de manière assez spectaculaire. Alors que l'immigration noire en provenance des Caraïbes anglophones dominait jusqu'à la fin des années 1990, le plus important pays d'origine étant de loin la Jamaïque, les Caraïbes ne représentent plus qu'un quart environ des immigrants noirs. La dernière liste des pays d'immigration noire montre que le plus grand nombre d'entre eux viennent d'Haïti, du Nigeria, de Somalie et de la République démocratique du Congo. Deux continents, deux pays anglophones, deux pays francophones.

Les enquêtes ventilent rarement les attitudes par groupes raciaux ou ethniques, de sorte que nous ne savons pas comment se sentent globalement certains groupes d'immigrants. Les porte-parole publics ne parlent pas toujours au nom de tous, mais l'enquête de Patrimoine canadien mentionnée il y a un instant a révélé que les symboles canadiens ont une plus grande importance pour les immigrants que pour les non-immigrants, et pour les minorités visibles que pour les autres Canadiens. Le fait que tant de personnes souhaitent venir au Canada chaque année et que le mot se propage dans leur pays d'origine indique que le Canada est un endroit plutôt meilleur que ce qui est parfois dépeint de nos jours.

L'intégration des immigrants et des réfugiés a été en soi et par rapport à d'autres pays l'une des réalisations particulières du Canada durant la période allant de Trudeau à Trudeau. Aucun parti politique n'a fait campagne contre l'immigration, qui ne cesse de s'accroître sans aucun contrecoup politique, aucun homme politique et aucune femme politique quelque peu réputés n'ont joué la carte nativiste.

Il n'y a pas de campagnes contre les immigrants à la manière de Trump, pas de Front National comme en France, pas de Liga Norte comme en Italie, pas d'Alternativ für Deutschland comme en Allemagne, et pas de partis nativistes et anti-immigration comme dans les pays scandinaves et en Finlande. Cette absence de réaction s'est produite au cours des décennies allant de Trudeau à Trudeau, alors que les pays d'origine des immigrants, autrefois européens, changeaient. Ainsi, les dix premiers pays d'origine au début de cette année étaient : l'Inde, la Chine, les Philippines, les États-Unis, le Nigeria, le Pakistan, la Syrie, la France, l'Iran et le Brésil. Les immigrants sont venus des cinq continents, améliorant leur vie et faisant du Canada un meilleur endroit.

Pourquoi cela s'est-il produit? Pourquoi ici et pas ailleurs? En voici quelques raisons. Je pense que la politique d'immigration est saine. Elle est basée sur un système de points mesurant les compétences et les aptitudes linguistiques, le regroupement familial et, pour un groupe plus restreint, l'investissement au Canada.

Notre population non autochtone est issue d'immigrants; aucun groupe d'immigrants n'est assez important pour exiger un statut ou des droits spéciaux. Et l'absence parfois déplorée d'une identité canadienne unique et définie fournit en fait une norme plus malléable de mœurs et d'hypothèses, de sorte que les immigrants ne sont pas jugés sévèrement selon qu'ils entrent dans un creuset ethnique ou melting pot ou qu'ils adhèrent, comme en France, à ce qu'on appelle les valeurs françaises. Le multiculturalisme est inscrit dans la constitution, bien qu'il s'agisse plus d'une parure que d'un tissu musculaire. Chaque parti politique s'efforce de recruter des voix et des candidats parmi les immigrants, et aucun parti politique ne fait campagne contre les immigrants.

J'ai commencé par observer comment, pendant environ les deux premiers tiers de la période de Trudeau à Trudeau, la place du Québec dans le Canada ou à l'étranger dominait les préoccupations du gouvernement fédéral. Il y a eu deux référendums au Québec, et un référendum national sur l'Accord de Charlottetown. Une série de mesures constitutionnelles ont été négociées, dont la plupart ont échoué, y compris l'Accord du lac Meech. Depuis la défaite du dernier référendum au Québec, cependant, l'enthousiasme pour la sécession s'est effrité. Il pourrait revenir, mais le plus grand nombre de Québécois semblent penser que le jeu de la sécession n'en vaut pas la chandelle. Nationalisme québécois, fierté québécoise, oui et toujours. Se séparer du Canada, non merci.

La préoccupation relative au Québec a fait place aux préoccupations et aux protestations d'un autre segment, ou devrais-je dire d'autres segments de la population canadienne, les Autochtones. Aujourd'hui, Trudeau fils déclare que sa priorité absolue est d'améliorer la situation des Autochtones. Reconnaître leur droit à l'autonomie, négocier des traités, dépenser plus d'argent, présenter des excuses pour les politiques gouvernementales passées.

Trudeau père voulait également améliorer la vie des Autochtones, mais à sa manière, pas à la leur. Il n'a jamais voulu d'un statut spécial pour le Québec. Il pensait que tout le monde était égal au Canada et sans arrangements particuliers, y compris pour les Autochtones. Ainsi, un livre blanc élaboré par son gouvernement proposait d'abroger la Loi sur les Indiens et d'autres dispositions spéciales. La réaction des dirigeants autochtones a été si hostile que Trudeau a fait marche arrière, ce qu'il a rarement fait, et lorsqu'il a commencé à négocier les changements constitutionnels avec les provinces, les dirigeants autochtones ont exigé des sièges à la table de négociation, ce qui leur a été accordé en tant que porte-parole, sinon en tant que dirigeants avec droit de vote.

Le chemin long et tortueux de la Charte des droits et libertés a consacré les droits issus de traités existants, c'est l'expression à partir de laquelle les tribunaux ont ensuite construit et construisent encore un ensemble élaboré de lois canadiennes pour les Autochtones, reconnaissant leur statut spécial au Canada. Depuis quelques années maintenant et pour de nombreuses décennies à venir, le Canada tente une expérience unique. Concevoir un pays fédéral souverain, ce que nous avons, avec plus de 600 unités autonomes en son sein. Parce que l'autonomie ne peut pas être un simple mot : elle doit signifier la pleine responsabilité politique pour de nombreuses fonctions publiques, la responsabilisation pour ceux qui sont choisis pour diriger et des recettes propres pour assurer ces fonctions.

Nulle part ailleurs dans le monde cela n'a été tenté, sauf peut-être aux États-Unis, où les tribus – ou ce que les Canadiens appellent les Premières Nations – ont une souveraineté considérable sur leurs propres affaires dans des limites territoriales définies. Mais en termes juridiques, ce sont des « nations intérieures dépendantes ». Selon le recensement de 2016, il y a environ 1,6 million d'Autochtones au Canada, soit 4,9 % de la population totale. Plus de deux fois plus que lorsque Pierre Trudeau était premier ministre. La population autochtone croît rapidement et le plus grand défi en matière de progrès se situe chez les jeunes. Trop nombreux d'entre eux se suicident ou ne parviennent pas à obtenir une scolarité adéquate.

On compte environ 977 000 membres des Premières Nations, soit une augmentation de 39 % entre 2006 et 2016; 587 000 Métis, soit une augmentation de 51 % pendant cette période, et 65 000 Inuits, soit une augmentation de 29 %.

Pendant la même période, la croissance démographique des Premières Nations inscrites a augmenté de 13 % dans les réserves, mais de 49 % en dehors des réserves. Il y a 70 langues autochtones et 12 grands groupes linguistiques. Mais au sein de ces groupes, 30 % ont moins de 500 locuteurs. Environ un Canadien autochtone sur cinq peut converser couramment ou de façon hachée dans une langue autochtone, soit environ 260 000 personnes au total. À titre de comparaison, 510 000 personnes parlent le tagalog, la langue des Philippines, et un nombre à peu près similaire de personnes parlent l'arabe.

Il sera donc difficile de préserver les langues autochtones, à part les langues algonquiennes qui comptent 175 000 locuteurs, le cri, l'ojibwé, le déné et le mohawk, malgré les financements et les bonnes intentions du gouvernement. L'augmentation des populations autochtones a considérablement renforcé la conscience politique des Autochtones, de l'époque de Trudeau père à celle de Trudeau fils; l'amélioration des niveaux d'éducation et une superstructure de droits autochtones élaborée par les tribunaux ont permis de faire entrer les questions autochtones dans le courant politique dominant canadien. La question de savoir comment des populations dispersées – souvent très petites – peuvent acquérir la capacité de financer et de fournir des services efficacement, ce qui est la définition, je le répète, de l'autonomie gouvernementale, est une question difficile à laquelle il n'y a pas de réponse facile.

Tellement difficile qu'en fait, dans certains milieux, il n'est pas considéré comme poli de la poser. Quelle est la taille des populations des Premières Nations? Laissez-moi vous donner un exemple en Colombie-Britannique, où il y a plus de 200 Premières Nations. Il y a cinq ans, dans son rapport annuel, la Commission des traités de la Colombie-Britannique a donné ces populations pour les Premières Nations qui avaient signé des accords définitifs : 2 260, 350, 400, 1 500, 160, 780, 830, 3 460, 290, 225. Et pour celles ayant conclu des accords de principe avancés : 770, 940, 465, 550, 1 090, 1 790, 370, 2 505, 1 625, 1041, 675, 3 685, 270, 745, 830, 6 565.

Selon Statistique Canada, une Première Nation sur six au Canada compte plus de 2 500 personnes, une sur six. Alors que plus de la moitié en ont moins d'un millier. En énonçant ces chiffres, on souligne donc le défi d'une véritable autonomie gouvernementale avec la capacité et les recettes propres nécessaires pour faire de l'idéal une réalité.

Partout, pas partout, mais à suffisamment d'endroits pour que l'optimisme l'emporte, certains dirigeants des Premières Nations sont de plus en plus conscients que, pourvu qu'ils soient sérieusement consultés et que les droits soient reconnus, leur population appuiera des projets d'exploitation des ressources naturelles qui apporteront les emplois, la formation et l'argent dont leur population a besoin.

Ce changement est devenu évident ces dernières années dans deux cas très médiatisés en Colombie-Britannique, le pipeline Trans Mountain et le projet de gazoduc de GNL vers Kitimat. Dans le cas de Trans Mountain, cinq nations autochtones s'opposent au pipeline, mais des dizaines l'ont approuvé. Y compris certaines qui veulent une participation financière au projet. Dans le cas de GNL, chacun des 20 conseils élus, tous situés le long du gazoduc, a approuvé le projet, mais une poignée de chefs héréditaires d'une même nation s'y sont opposés. Dans les deux cas, les opposants autochtones étaient minoritaires, mais ils étaient soutenus par des militants écologistes.

Ils ont reçu une attention médiatique démesurée et ont formé une alliance – appelée de façon acerbe par les partisans autochtones les « enviro-colonialistes ». Tout au long de la période de Trudeau à Trudeau, les réalités tenaces et les souvenirs historiques du traitement réservé par le pays aux Autochtones ont pesé lourdement sur toutes les discussions.

L'observation de William Faulkner sur le Sud américain pourrait s'appliquer au traitement des Autochtones au Canada. « Le passé n'est jamais mort », a écrit Faulkner, « il n'est même pas passé ». L'exemple le plus clair est la réalité et le souvenir des pensionnats, examinés dans de nombreux ouvrages par la Commission royale sur les peuples autochtones établie par le gouvernement Mulroney, et qui a donné lieu à des excuses officielles des gouvernements Chrétien et Harper. Le sujet des milliards de dollars de paiements aux pensionnaires fait partie de l'accord de règlement de 2007 qui a également établi un mécanisme de paiement pour les victimes d'abus sexuels et cela a fait l'objet d'un examen plus approfondi par la Commission de vérité et réconciliation et l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Le gouvernement Trudeau propose maintenant d'établir une journée nationale le 30 septembre pour se souvenir des pensionnats. Et les pensionnats restent le sujet permanent de pièces de théâtre, de poèmes, de chansons, de livres et de discours politiques intégrés aux cultures autochtones d'aujourd'hui. Et la volonté des Canadiens non autochtones de continuer à expier cette partie du passé de la nation est une question ouverte, les sondages d'opinion publique montrant une division entre ceux qui veulent continuer à s'excuser et ceux qui veulent dire qu'assez c'est assez.

Par exemple, un sondage de l'Institut Angus Reid a montré que, dans une marge de 53 à 47 %, les Canadiens estiment que nous sommes trop fixés sur les excuses pour les pensionnats et, dans la même marge de 53 à 47 %, qu'aucun groupe ne devrait avoir de statut particulier. Eh bien, la diversité et l'inclusion sont désormais des mots omniprésents au Canada. Les groupes qui réclament depuis peu, à juste titre, une place plus importante dans le pays sont nouveaux. La prise en compte de la diversité et des difficultés des nouveaux arrivants ne l'est pas.

Ce pays a été dès le début une tentative de contenir deux religions, catholique et protestante, et deux groupes linguistiques, l'anglais et le français, qui s'affrontaient de façon meurtrière en Europe et dans le monde, y compris en Amérique du Nord au XVIIIe siècle. Le fait que les catholiques francophones et les protestants anglophones, chacun avec ses propres divisions internes, passeraient de ce que Lord Durham a constaté lorsqu'il a rédigé son rapport après les rébellions de 1837 dans le Haut et le Bas-Canada – deux nations se battant au sein d'un seul État – à un arrangement fédéral trois décennies plus tard, a défié l'expérience historique.

Et puis il y a eu l'émigration. Des centaines de milliers de francophones du Québec sont allés en Nouvelle-Angleterre, et des dizaines de milliers d'anglophones sont allés aux États-Unis, pays plus riche et plus dynamique. Ainsi, à la fin du XIXe siècle, Buffalo et Detroit comptaient d'énormes populations canadiennes. Mais ensuite sont arrivées les vagues d'immigration, non sans difficultés et sans discrimination à l'encontre des personnes originaires d'Irlande et d'Israël, d'Europe de l'Est et du Sud, et d'Asie, jusqu'à ce que, durant la période allant de Trudeau à Trudeau, des personnes arrivent de tous les continents, confrontées à leurs propres problèmes d'établissement, mais non accablées par la culpabilité du passé du pays. Pendant tout ce temps, les populations autochtones ont été marginalisées et ignorées, si bien que cette génération et les générations futures ont maintenant la tâche difficile de rembourser cette dette.

Puisque j'ai parlé du passé, permettez-moi de conclure en soulignant une différence profonde entre les deux Trudeau. En 1984, sa dernière année en tant que premier ministre, Pierre Trudeau s'est vu demander par Brian Mulroney, alors chef de l'opposition, si le gouvernement allait présenter des excuses et dédommager les Canadiens d'origine japonaise internés pendant la Deuxième Guerre mondiale. M. Mulroney a insisté pour que M. Trudeau suive cette voie, affirmant qu'il s'agissait d'un cas unique et que, par conséquent, une réparation s'imposait.

À cela, Pierre Trudeau a répondu :
Je ne vois pas comment je pourrais m'excuser pour un événement historique auquel nous, ou ces personnes dans cette maison, n'avons pas participé...

« Je ne vois pas comment je peux m'excuser pour une affaire à laquelle nous... n'avons pas participé. Nous pouvons déplorer que cela soit arrivé... Je ne pense pas que le gouvernement ait pour objectif de réparer le passé. Nous ne pouvons pas réécrire l'histoire. Notre but est d'être juste dans notre temps ». Il se demandait où s'arrêteraient les excuses, une fois ce processus entamé.

Trudeau père avait passé sa vie politique à essayer de construire une fierté nationale et surtout de faire partager cette fierté aux Canadiens francophones. Et Trudeau père a eu raison de demander où s'arrêteraient les excuses, car la suite a montré qu'elles ne s'arrêtent pas. Une fois au pouvoir, Mulroney a procédé aux paiements et aux excuses aux Canadiens japonais internés, le premier ministre Paul Martin a ouvert un bureau gouvernemental avec un budget de 25 millions de dollars et a invité les groupes qui se sentaient historiquement lésés à demander de l'argent. Le premier ministre Chrétien a présenté ses excuses pour 23 soldats canadiens exécutés pendant la Seconde Guerre mondiale. Le premier ministre Harper a présenté ses excuses pour la taxe d'entrée imposée aux immigrants chinois. Mais aucun d'entre eux n'est comparable à Justin Trudeau, qui a parcouru l'histoire du Canada pour trouver des groupes auprès desquels il peut s'excuser.

Il a même retiré le nom d'Hector Langevin de l'immeuble du bureau du premier ministre, malgré le fait que les archives historiques montrent que Langevin n'avait proposé que deux paragraphes désobligeants sur les Autochtones au cours de sa longue et tumultueuse carrière, y compris sa participation à la conférence de Charlottetown en tant que père de la confédération.

Contrairement à son père qui estime que nous ne pouvons être justes qu'à notre époque, son fils pense qu'une justice rétroactive est souhaitable de manière rhétorique. Par ces nombreuses excuses, on encourage l'idée que le passé du Canada a été une triste saga d'oppression généralisée, de racisme et d'autres formes de discrimination, avec en fait très peu de vertus rédemptrices à célébrer. Et c'est le discours qui prévaut dans les départements d'histoire des universités à l'égard du passé du Canada. C'est un récit fort du Musée canadien de l'histoire à Ottawa, du Musée canadien des droits de la personne à Winnipeg, et de la plupart des auteurs canadiens sur le passé du Canada. De nos jours, les éditeurs ne s'intéressent même pas aux sagas de succès de l'histoire canadienne. Ils veulent des histoires d'oppression, de racisme et de discrimination, et les manuels scolaires des écoles secondaires jouent également sur ce récit.

Malgré le leitmotiv martelé par l'intelligentsia et le premier ministre, la majorité des Canadiens gardent un sentiment positif à l'égard de ce que les Canadiens ont accompli. Une enquête sur les attitudes des Canadiens réalisée en juin 2019 pour l'Association d'études canadiennes a révélé que 75 % des Canadiens étaient très fiers des soins de santé, du passeport, du drapeau et de la Charte. Une étude réalisée par Ipsos pour Historica Canada a révélé que 86 % des Canadiens étaient fiers de leur diversité, que 92 % des personnes interrogées pensaient que le Canada est poli et que 86 % étaient d'avis qu'il existait une identité canadienne distincte. Un récent sondage de l'Angus Reid Institute a montré que 75 % des Canadiens sont fiers ou très fiers d'être Canadiens, et que les plus hauts niveaux de fierté sont enregistrés dans la région des Prairies.

Les données de l'enquête sont claires : la grande majorité des Canadiens sont fiers de leur pays. Plus de 300 000 immigrants chaque année arrivent et deviennent, au fil du temps, fiers du Canada. Malgré l'élite intellectuelle, ce sentiment de fierté nationale, du moins dans le Canada anglophone, et même présent au Québec, est une autre façon dont le pays a évolué de Trudeau à Trudeau.

Merci beaucoup. Merci de votre attention.

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